Imane Lallali-Benberim

Imane Lallali-Benberim

Manager pour le secteur Energie & Utilities CGI Business Consulting

Gaz naturel aujourd’hui, gaz vert demain1, c’est la conviction affichée par Isabelle Kocher, Directeur Général d'ENGIE, groupe mondial de l’énergie. Engie vient à ce titre, de lancer une offre de gaz naturel à destination des ménages français dans laquelle 10% de la consommation est certifié Gaz vert.

La principale source de gaz vert est aujourd’hui le Biométhane. En France, ce dernier est majoritairement issu de cultures agricoles.  La question qui se pose alors est : l’engouement croissant pour le gaz vert sera-t-il soutenable par la structure actuelle de la filière Biométhane agricole en France ?   

Entre 2009 et 2015, le nombre d’installations biogaz en Europe a augmenté de manière significative passant de 600 à près de 17 0002 installations. La production totale de biogaz en Europe ne représente encore qu’à peine 2% de la consommation totale, mais à l’horizon 2030, le « Green Gas Grids project » fondé par un consortium d’agences environnementales européennes (e.g Ademe, Dena…) prévoit une couverture de 10% de la demande de gaz européen. 

La France s’inscrit dans la dynamique européenne du Biométhane avec des objectifs de production ambitieux qui nécessiteront de remettre l’agriculteur au centre de cette filière.

La loi de transition énergétique a en effet fixé une ambition nationale de 10% de gaz renouvelables dans la consommation à l'horizon 2030. Pour y parvenir, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) a notamment prévu des objectifs de production pour l'injection de biométhane de 1,7 TWh/an en 2018 et de 8 TWh/an en 2023.

S’agissant des gisements, plus de 90%3 du gisement national mobilisable pour la méthanisation est issu de production agricole, l’agriculteur est donc bel et bien au centre de la filière française du Biométhane. Toutefois, un constat sans appel est dressé : 30 à 40%6 des projets initiés ne sont jamais raccordés.

Avant de pouvoir produire le premier MWh, de nombreux obstacles jalonnent le parcours de l’agriculteur porteur du projet Biométhane

La filière Biométhane française en est encore à ses balbutiements et même si des actions sont menées pour accompagner le porteur de projet, de nombreux obstacles subsistent, parfois difficiles à franchir sans le soutien de l’ensemble de l’écosystème.

INFORMER, STRUCTURER, FLUIDIFIER constituent trois leviers majeurs pour accélérer la dynamique d’émergence des projets Biométhane

Au regard des freins cités plus haut, trois leviers se dégagent pour optimiser le parcours agriculteur, nous énonçons ci-après quelques illustrations d’actions sous-jacentes :  

Informer : sensibiliser, communiquer et former les agriculteurs afin de lever les freins « d’images de complexité » dont souffre le Biométhane. Cela peut se caractériser par de la communication directe, la mise à disposition de portails d’information ou bien par un coaching d’agriculteurs à la gestion d’installations Biométhane.

Structurer : notamment en développant des véhicules de financements (fonds de garantie, financement participatif et tiers de financement), mais aussi en améliorant la qualité des prestations techniques et de services après-vente des bureaux d’études et équipementiers au travers de certifications Qualité par exemple.

Fluidifier : simplifier l’approvisionnement des intrants en mettant à disposition des agriculteurs une place de marché d’intrants ou encore déterminer et exiger de la part des fabricants un stock minimum de pièces de rechange disponible sur le territoire constituent autant de pistes d’optimisation. Enfin, la nécessité d’augmenter la capacité d’injection du Biométhane dans les réseaux ne fait aujourd’hui plus débat ; à ce titre, les acteurs français de la chaine gazière sont déjà engagés dans le développement des conditions technico-économiques des technologies à rebours.

Les plans d’actions sous-jacents aux trois leviers cités plus haut constituent des éléments structurants de la feuille de route de la filière Biométhane, mais ne peuvent relever de la responsabilité d’un seul acteur. En effet, il est crucial, tant pour la cohésion que pour l’efficacité des actions, que l’ensemble des acteurs de la filière puisse jouer un rôle dans le déploiement de cette feuille de route. À titre d’exemple, le distributeur de gaz en tant qu’animateur de la filière pourrait jouer le rôle d’orchestrateur central et les chambres d’agriculture le rôle de relais régionaux. Les concertations sur le sujet sont bien entamées, mais il faut aujourd’hui engager des actions concrètes et concertées afin d’espérer satisfaire les objectifs de la PPE ainsi que l’appétit des marchés.

Par ailleurs, certains pans de la filière peuvent représenter de nouvelles opportunités de réévaluation des modèles d’affaires. Le service après-vente pourrait, par exemple, intéresser des acteurs des services énergétiques qui ne sont pas encore positionnés sur le Biométhane. La fourniture de Biométhane, outre la garantie d’origine associée, pourrait se voir adosser une « expérience client remarquable »; e.g. certificat de consommateur engagé pour la transition énergétique, adhésion à un club de membres privilégiés avec un programme de fidélités, souscription gratuite à des API permettant de piloter sa consommation, etc. 

La feuille de route de la filière Biométhane est dense et complexe - l’agriculteur en tant que maillon central cristallise de nombreux freins - mais concentre aussi des leviers majeurs pour réaliser la transition au gaz vert. Nul doute que l’action de l’ensemble des acteurs de la filière autour de l’agriculteur permettra de débloquer toute la valeur du Biométhane en France.

Référence :

  1. Pourquoi la révolution énergétique passe aussi par le gaz, LinkedIn, I.Kocher, septembre 2017. 
  2. European Biomass association, 2016
  3. Panorama du gaz renouvelable, 2016
  4. Selon C.Bellet, article de presse, février 2017.

A PROPOS DES EXPERTS

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Portrait d'expert CGI : Imane Lallali-Benberim est Manager pour le secteur Energie & Utilities.

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