David Galopin

David Galopin

Directeur en charge des activités conseil pour le secteur des services financiers - CGI Business Consulting

Maeva Loff

Maeva Loff

Consultante pour les secteurs banque et assurance chez CGI Business Consulting

Depuis plusieurs années, le domaine des paiements est contraint de se transformer, du fait de nouvelles initiatives réglementaires (DSP2), de la concurrence de nouveaux acteurs (GAFAM, fintechs, etc.), de la modernisation des infrastructures techniques (SEPA), de l’appropriation de nouvelles technologies (QR code) et de l’apparition de nouveaux comportements clients.

La crise sanitaire vient accélérer cette transformation avec le passage de nombreuses activités du “offline” vers le “online” rendant ainsi leurs frontières poreuses. La digitalisation à marche forcée qu’impose cette crise transforme les habitudes de consommation et représente un tournant majeur que tous les acteurs des paiements doivent saisir pour construire leur modèle de demain.

L’activité des paiements durant la crise : du sans contact au non contact…

La crise sanitaire a induit un changement de comportement, forcé, dans le but de réduire le risque de propagation du virus. La commodité est soudain devenue une question de réduction des points de contacts technologiques et humains. Trois tendances notables ont émergé… 

Montée en puissance du cashless et du contactless

Les mesures de distanciation sociale ont attisé les craintes des consommateurs quant à la transmission du virus via l’utilisation d’espèces les poussant à délaisser la monnaie fiduciaire au profit de la monnaie scripturale. En France, les retraits aux DAB ont reculé de près de 60 % pendant la crise. Les paiements digitaux sont eux passés au premier plan et notamment le paiement sans contact. Sur 17 000 personnes interrogées dans 19 pays par Mastercard[1], 46% ont troqué leur carte haut de gamme contre une carte sans contact. Il semble que l’engouement pour le sans contact survivra au virus : 74% des personnes interrogées affirmant qu'elles continueront à utiliser cette facilité une fois la pandémie terminée. Les portefeuilles numériques (Apple Pay, Google Pay) et autres interfaces de paiement sur smartphone (détails de carte stockés, QR code) ont aussi explosé durant cette période. Cette crise vient ainsi renforcer la nécessité d’un débat en France sur l’avenir d’une « cashless society » sur le modèle des aspirations scandinaves.  

Digitalisation de la relation client

Un autre changement notable : l’accélération du e-commerce (+20% d’activité[2]). Ces nouvelles habitudes modifient la relation client et notamment celle du client avec sa banque. Cela se traduit par une forte baisse de la fréquentation des agences, un besoin de disponibilité de service en continu et en temps réel et la possibilité de commencer ou de terminer des opérations sur tous les points de contact existants. Il est donc important pour les banques de maintenir un lien fort avec les clients qui souhaitent disposer de la même qualité de service peu importe les circonstances. Les banques doivent donc effectuer leur mue au travers d’une stratégie omnicanale qui place en son centre l’expérience client.

Augmentation de la fraude

La massification du télétravail et du e-commerce a mécaniquement augmenté les cybermenaces. Pour récupérer les données personnelles et bancaires de leur cibles, les fraudeurs ont fait preuve de créativité comme le signale Tracfin[3],  :  proposition d’études payantes pour faciliter l'obtention d’un prêt garanti par l'Etat, messages ou appels d'un conseiller bancaire inconnu en raison de la maladie des interlocuteurs habituels, appel d'un technicien de la banque pour des tests informatiques, nouveau fournisseur ou pharmacie en ligne proposant du gel hydro-alcoolique, des masques, des tests, etc. Mais aussi auprès des particuliers, en leur proposant par exemple de fournir leurs informations personnelles de paiement afin de régler le retrait d’un colis par sms ou par mail alors que la Poste ne propose pas ce service. Il est donc plus que jamais essentiel pour les banques d’adresser le risque de fraude notamment en sensibilisant leurs clients mais surtout en se positionnant comme acteur incontournable de l’authentification forte d’un paiement en parfait respect des exigences de la DSP2.  

Les paiements après la crise ?

En dépit des répercussions profondes sur la population et l’économie, la crise sanitaire représente pour les banques une opportunité de repenser leur business model sur la base des défis relevés pendant cette période inédite….

Redéfinir la transformation digitale

L’adoption massive des moyens de paiements sans contact et plus particulièrement du paiement mobile confirme l’acculturation au digital. Le secteur des paiements doit accélérer sa transformation digitale pour répondre aux nouvelles attentes et ce notamment grâce à l’IA, au RPA, la blockchain, le machine learning… Il est temps pour les institutions de s’approprier davantage les nouvelles technologies et de concevoir un système de paiement compatible avec des technologies telles que la réalité virtuelle sur le modèle de VR Pay, ou encore le paiement biométrique avec l’empreinte digitale comme a prévu de le proposer BNP Paribas à l’automne 2020[4] avec une nouvelle carte de paiement et le face scan déjà proposé par Tencent en Chine. Cette ultra digitalisation doit cependant être accompagnée pour répondre aux craintes qu’elle peut générer (partage de données sensibles, social scoring, etc.).

Remplacer les modèles de fraude et privilégier la coopération

Une lacune connue dans la détection de fraude est liée à l’anticipation et l’incapacité à s’adapter rapidement. L’augmentation des fraudes (vol d’identité, contrôle de compte, escroqueries par paiements autorisés) et notamment du phishing, représente un défi pour les modèles rétrospectifs. Dans un environnement en évolution rapide, la capacité à détecter et prévenir la fraude aux paiements est cruciale. Les acteurs de l’industrie des paiements doivent intensifier la mise en place de nouveaux modèles d’analyses prédictifs basés sur les nouvelles technologies (intelligence artificielle, blockchain et analyse big data) en vue de réduire les faux positifs qui les mobilisent grandement aujourd’hui. Par ailleurs, il est nécessaire d’assurer une authentification forte des ordres de paiements, permise par la réglementation, et miser sur une coopération approfondie en partageant les informations concernant les incidents, les technologies mais aussi en développant des techniques de prévention et de détection en temps réel basé sur une expertise collective des prestataires de service de paiements.

En conclusion, cette crise sanitaire confirme pour les acteurs historiques la nécessité de faire preuve de plus de flexibilité, de connectivité, et d’omnicanalité afin de se tourner vers l’avenir en prenant à bras le corps les innovations technologiques et de repenser leurs processus opérationnels. L’ère de l’open banking est arrivée et avec elle le partage sans friction de la data, la diminution des barrières avec la concurrence et la nécessité d’échanger avec de nouveaux acteurs que sont les fintechs ou les GAFAM. Dans ce contexte, les banques doivent devenir l’endroit privilégié pour accéder à l’ensemble des services et produits du marché.

Pour ce faire, elles doivent être au fait des dernières technologies qui façonnent les exigences de demain (temps réel, sécurité, mobiquité), des nouveaux acteurs de la place qui captent petit à petit des parts de marché (GAFAM, fintechs, etc.) et se réorganiser pour être en mesure de construire de nouvelles offres de service (customer centricity, réorganisation interne, services extra-bancaires).Nous aborderons d’ailleurs en profondeur ces grands vecteurs de transformation du secteur au travers de trois articles dédiés.

Lire la suite "Les banques face à la menace des nouveaux acteurs du monde des paiements"

A PROPOS DES EXPERTS

David Galopin

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Directeur en charge des activités conseil pour le secteur des services financiers - CGI Business Consulting

Directeur pour les activités Finance chez CGI Business Consulting, David intervient régulièrement sur des missions de transformation digitale, réglementaires et d’efficacités opérationnelles auprès de directions générales. Il travaille Intuitu Personae, la transformation est avant tout humaine : c’est une affaire de personnes et de relations. ...

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Consultante pour les secteurs banque et assurance chez CGI Business Consulting

Maeva Loff est consultante au sein de CGI ...